Fragment d’un ensemble à paraître aux éditions publie.net
Mais quelle menace le poussait donc à fuir ? Dans ces films où l’on voyait un homme – policier ou malfrat – courir à travers les rues, sur les docks ou en plein champ, l’on savait pourquoi, les poursuivants apparaissant à intervalles réguliers. Mais lui ? Personne ne le poursuivait, sinon son ombre. Rien dans sa vie – ni dans son entourage, ni dans son courrier – ne représentait une menace quelconque.
Et pourtant il fuyait, changeant régulièrement de domicile, quittant ses amis, endossant des identités fictives comme des manteaux qu’il abandonnait bientôt au milieu du chemin, toujours attentif à la présence derrière lui d’une porte de secours par laquelle il pourrait s’échapper à la première alerte.
L’on prétendit qu’il avait vu trop de ces films dont le personnage principal était un fuyard, et qu’il avait fini par s’identifier avec chacun d’entre eux. Mais cette hypothèse-là, qui faisait de lui un simple imitateur, tenait-elle, ou permettait-elle simplement d’échapper à la question centrale, qui concernait la ou les raisons de sa fuite ? Lui-même n’aurait sans doute pas su expliquer son comportement, eût-il été possible de lui demander une explication, ce à quoi il se refusait systématiquement, prenant aussitôt la fuite dès qu’on s’approchait de lui d’un peu trop près.