Auxeméry |à l’orient la vague

à l’orient la vague

l’étendue

à l’orient la vague & le cri
d’avant toute origine
d’avant toute abaliété

la lame de lumière
qui va percer la nuit

à l’orient le vide
que les bouches assemblées
acclameront à l’instant

où percera la lame
où chantera l’astre sous la brume ―

à l’orient cette naissance de la lumière
au matin du monde
d’avant toute naissance

& toutes les bouches de tous les corps assemblés
sur la montagne au matin de l’attente
avaleront cette goulée de vie

aspireront toute la brume que charrie le ciel
& ce sera ce cri à la reverse de cette avalée

cette voix unanime des corps comblés
que l’attente aura magnifiés
dans le sourd & l’obscur de leurs organes ―

& nous serons montés à l’assaut des marches du ciel
aurons bu l’eau des torrents
déchiffré les poèmes cramoisis incrustés sur les rochers gris

passé les portes & couru sur la crête
vêtus de la pèlerine imprégnée de brumes
& de la crasse des précédents pèlerins

puis ayant crié comme les fidèles assemblés
quand le soleil s’est mis à chanter son poème incandescent
sur la mer de nuages en vrac

nous sommes redescendus vers la cité
où les mains se tendaient mais c’était pour quémander

& les corps chantaient mais c’était pour vendre & se vendre

& nous n’avons pas pillé l’or de regards neufs dans les reflets des rues
car l’étincelle dans les yeux que nous avons croisés
étouffait sous la cendre du souci
& les visages conservaient leurs promesses comme des biens rares & jaloux

nous avons vu les sourires des hommes & des femmes
affairés à leurs tâches communes aux commerces de leur survie

des enfants aussi beaucoup d’enfants

des êtres qui auront tout le temps d’en découdre avec le temps ―

la vie d’en bas est ainsi ―

au sommet du Taishan les fidèles crient
cette ferveur au matin du monde
parce que le monde est un éternel avènement sans âge ―

au promenoir de l’est sous les écharpes de brumes ivres
l’être humain n’est que ce cri ―

en bas c’est murmure & bredouillage
bruit de langues très lourdes

& la montagne à l’orient du monde nous aura
saisis en l’avant de notre avant

à l’aurore de notre cri

06/05/2024